Réponse à la question précédente

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Suite à une commande du Théâtre National de Strasbourg, Jacques Rebotier présente Réponse à la question suivante, premier volet d'une trilogie :  La vie est courbe et Vengeance tardive.

Extrait du texte

Scène VII 

 

COUR ( Au public ) - L'histoire est celle-ci. Depuis longtemps je me demandais: mais qui donc est ce type dans ma tête qui parle sans arrêt ? Il y a un type qui s'est installé dans mon cerveau depuis le début et qui n'arrête pas de parler, et ils sont même plusieurs, et il n'en finit pas de me dérouler le fil de sa pensée en l'air, et quand je me mets à l'écouter, il parle d'autre chose, ou bien il se tait. Il y a entre mes deux oreilles ce texte qui n'a jamais commencé et qui ne finira jamais, l'éternel monologue polyphonique, l'éternel dialogue, trilogue, infinilogue intérieur qui est le bruit de fond de notre langue de fond, l'infini coupage des paroles en un, deux, trois, quatre, sac du ressac, sac inusable et troué, et qui n'en finit plus de rouler-dévider son ressac percé, Ho là, qui parle ainsi à mes oreilles sans paupières ? Qui parle là ? Dites, vous qui parlez sans chercher à rien dire, dites-le moi, qui parle ici, est-ce que c'est moi, ou bien c'est lui ? L'autre question était: comment l'entendre enfin ce que depuis toujours il cherche à me dire ?
 
 
PLATEAU - L'autre question ?
 
 
COUR - 97 % des gens, quand on leur demande à quoi ils pensent, répondent: je sais pas. Pourquoi ? PLATEAU - (Même musique que Cour) Je sais pas.
 
 
COUR - L'autre question, c'était aussi celles-ci: pourquoi, lorsqu'on vit avec quelqu'un, lui demande-t-on si souvent: à quoi tu penses ? et pourquoi répond-il si souvent: j'en sais rien ? comment peut-on ne pas savoir à quoi l'on pense ? comment peut-on être "perdu" dans ses propres pensées ? comment peut-on dire "mon" cerveau ? mais comment peut-on dire "mon" cerveau ? 57 % des locuteurs ne disent pas ce qu'ils pensent. 57 autres % ne pensent pas ce qu'ils disent . 57 derniers % ne pensent à rien. Ou du moins le prétendent. Pourquoi ? Comment ? Et pourquoi ce total de 171 % ? (à Plateau) Comment ? Qu'est-ce qu'il y a sous les mots quand on enlève la pensée ? qu'est-ce qu'il y a derrière la pensée quand on soulève les mots ? à qui peut-on parler quand on n'a rien à dire ? est-il possible de penser à sa pensée, en toute impunité ? est-ce que quand on déroule d'un coup sec sa parole on peut aller plus vite que sa pensée ? qu'est-ce qui sort du cerveau quand on appuye dessus ? peut-on marcher en équilibre sur le fil des crêtes de sa pensée ? est-il seulement possible de parler seul de son seul présent ? quand on tire sur un fil qui dépasse est-ce qu'on voit arriver toute la pelote, ou bien d'autre fils qui dépassent ? s'il est vrai que testa, la tête, est un pot, est-ce que plus on parle, plus on le vide, ou bien est-ce qu'on le remplit ? et si je parlais 538 minutes sans m'arrêter, est-ce qu'on peut raisonnablement penser qu'après, je serai: plutôt guéri ? ou plutôt plus ("plusse") malade (davantage malade) ?, ou bien plus ("plu") ? (Du tout ) ? Qui est ce type ?
 
 
PLATEAU - Je vis un jour, il y a longtemps...
 
 
COUR - Alors je me dis: il me faut le forcer, longtemps, devant tout le monde, tout haut, maintenant tu vas parler, vieux cerveau, y en a un de nous ici qui est en trop, fais-toi pensée de la parole en creux, liberté des roues, pelotage des cerveaux automatiques, allez, crache, c'est à toi maintenant: t'as voulu parler, eh bien tu vas parler, et c'est celui de nous deux qui l'dira qui qu'y s'ra ! Le 16 octobre, je convoquai donc tous mes amis et leur dis: "Tous mes amis, voilà, il va parler. C'est une affaire entre lui et moi, vous êtes tous témoins. Il est aujourd'hui vendredi 16 octobre, nous sommes 0 heure GMT, et je vais vous le faire vous parler durant les 24 heures qui arrivent, sans discontinuer. Alors je parlai, 24 heures durant, parmi lesquelles lui quelques minutes seulement. Parmi lesquelles lui quelques minutes seulement ! Je n'ai pas cessé d'y penser depuis. (Un temps) A quel point j'avais échoué.
 
 
PLATEAU (chanté) - La réussite parfaite est impossible. La réussite imparfaite est improbable. L'échec partiel n'est pas désirable. Seul l'échec parfait peut (parlé) nous rendre à nous-mêmes.
 
 
PLATEAU - Je vis un jour, il y a longtemps, un vieux rabbin courant en tous sens dans les rues de Prague avec un air dément, et criant: "J'ai des réponses ! J'ai des réponses ! Qui a des questions ?"

presse

Libération « Fin technicien, spécialiste des changements de rytme, Rebotier fait partition de tout. Et arpente un théâtre où le plaisir de la langue fait son miel de tout, silence et craquements compris. » René Solis
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France Inter / Le masque et la plume « Réponse à la question précédente est un spectacle extraordinaire, un texte incroyable écrit par Jacques Rebotier qui a monté lui-même cette espèce de petit délire sur tempête dans un crâne, et tempête sur la scène d'un théâtre. C'est magnifique. Il y a trois acteurs vraiment formidables, Alain Fromager, Marie Pillet et Emmanuel Zoll. C'est délicieux. C'est merveilleux. » Armelle Héliot

 

Inrockuptilbles « .../ Jacques Rebotier et sa troupe sont surtout des gens qui, en toute légèreté, prennent le jeu du langage à coeur et s'amusent avec le théâtre par tous les bouts. Si tout semble se faire dans un joyeux bazar, c'est en fait une précision métronomique qui se cache derrière l'ensemble. Leur seul élément aléatoire est une poule qui n'en fait qu'à sa tête et ne suit que ses instincts de poule : picorer, caguer et même parfois voler. Comme elle, les acteurs se perchent, caquettent et déambulent, cherchant parfois à rivaliser avec le gallinacé. Grillagée, cloisonnée mais toujours aérée, la scène est constituée d'effets de transparence, de rapports de matières - le fer, la toile, le voile -, comme pour souligner que les frontières ne sont jamais totalement hermétiques et qu'à la division de notre espace de représentation mentale correspond celle de l'espace scénique. Pour déguster ce spectacle, un conseil, mettez en veilleuse votre hémisphère rationnel et laissez-vous aller au pur plaisir de l'état de désordre dans lequel est mis votre bulbe rachidien. » Véronique KLEIN Lire l'article complet

 

Le Figaro «Voilà un spectacle d'avant-garde sans fausses notes, qui ravira tous les publics. » René SIRVIN Lire l'article complet

 

Rouge « Comme tous les électrons libres de la poésie, du théâtre et de la musique, Rebotier va d'Est en Ouest, mettons Georges Perec et Bobby Lapointe, et du Nord au Sud, disons Jarry et les Marx (ou, au moins, Groucho). Topographie du jeu de mots et des mots du jeu dans le dédoublement d'une question recto-verso : le théâtre et le cerveau. Double scène d'un foisonnement grave et facétieux où le chirurgien, enfin, accepte le nom de son alter ego dans l'almanach des Pieds-Nickelés, " charcutier " cerveau, et cervelas. A consommer sur place ou à emporter ? Sur place, c'est mieux. L'alchimie des mots et celle des nombres, dessinant un cabaret burlesque du sens, font de la gymnastique, du cirque, de la cour de récrée, et même du souterrain façon RATP (" espace de transport ", " espace non fumeur " et, c'est nouveau, " espace de pickpockets "), puisque le théâtre des mots résonne de normes et d'interdits. L'inter-dit d'entre les lignes de mots où Rebotier traque, la musique aidant, les sens impromptus et les raisons vacillantes. Car les mots sont musique, rythme, assonances et dissonances, allitérations et chaos offert au poète. Trois acteurs et une volaille, qui dit théâtre dit poulailler, donnent (leurs) corps à cette randonnée cervicale, éloge de la poésie cognitive, des questionnaires furtifs et des cases-réponses manquantes. »

 

Le Journal du Théâtre « Cet homme est fou ! En tout cas, Jacques Rebotier n'a pas le cerveau de tout le monde. » Gilles Costaz (27/04/1998) Lire l'article complet

 

Hebdoscope « La présence incontestable du mode ludique crée l'adhésion dès la première minute - on ne s'en départit pas une bonne heure durant. » (09/1994) Lire l'article complet

 

La lettre du musicien «Jacques Rebotier aurait pu faire comme tout un chacun de la "musique contemporaine", mais il a choisi d'explorer les marges du son, du geste, et de la langue. Ce faisant, il trouve en souriant des issues de secours aux questionnements parfois étouffants de la création musicale d'aujour'hui. » Jacques Bonnaure (03/1995) Lire l'article complet

pro

Création 1993 Théâtre de l'Athénée

distribution

Texte et mise en scène
Jacques Rebotier
Assistant mise en scène
Yves Grossin
Scénographie
Virginie Rochetti
Assistant à la scénographie
Anne Levacher
Lumière
Bernard Couderc
Avec
Vincent Ozanon
Marie Pillet
Virginie Rochetti
Emmanuelle Zoll

production

Compagnie voQue

tournée

21 Avril 1998 - 20 Mai 1998
Théâtre de la Bastille
18 Novembre 1993 - 19 Décembre 1993
Théâtre de l'Athénée