LA TERRASSE : Les Ouvertures sont

Jacques Rebotier nous invite à voyager à l’intérieur de la parole, démontant sa mécanique et butinant l'espiéglerie des mots.

 

"Les ouvertures dans la parole sont les pensées. » dit Jacques Rebotier. Ce poète – auteur dramatique – musicien – metteur en scène aime triturer la langue de tous les jours, débusquer le saugrenu derrière l’anodin des expressions familières, piéger le sens dans les embuscades de la logique. Joueur de rimes impénitent, dompteur de l’espièglerie des mots, grand dislocateur de discours, il puise dans le quotidien la matière de sa poétique du collage pour composer des spectacles qui savourent les délices de la pensée paradoxale et quêtent dans le réel les fragments de merveilleux qui s’y consument. Avec Les ouvertures sont, un poème extrait du recueil Le dos de la langue (poésie courbe), il démonte la mécanique pneumatique de la parole, le souffle, l’inspiration, l’expiration. Il se promène dans les entrelacs d’un esprit vagabond, suit le fil de la voix, longe les courbes de le pensée, papillonne au gré d’association d’idées tout en butinant les chimères du langage et les bizarreries de notre époque.

 

Conversations intérieures

 

De quoi est-il question ? De murs, horizontaux (mur anti-migration entre les États-Unis et le Mexique), verticaux (Mur de Berlin), obliques (Muraille de Chine), de voyageurs (immigrés ? Émigrant?), de frontières, d’ouvertures, de processions de pensées, de fermetures, de théories… Et puis de tas de trucs encore… Cette partition pour deux voix procède par vagues successives, comme deux conversations intérieures qui se croisent et se répondent par résonance. Observateurs médusés par l’invraisemblance de la réalité, Océane Mozas, le charme tout acidulé, et Erif Frey, d’une drôlerie désinvolte, essaient de décrypter le cours des choses. Ils constatent, comparent, esquissent des liens de causalité… et se heurtent à l’absurde du raisonnement. Dans sa mise en scène, Jacques Rebotier travaille sur la matière sonore, portant la focale sur la respiration des acteurs, parasitant le sérieux de la réflexion de bruits incongrus chapardés dans le brouhaha de la vie. Le sens se tisse dans le maillage des paroles enchevêtrées. Voilà un chambardement du langage qui offre un beau miroir au désordre singulier du monde.

 

Gwénola David

(février 2002)

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