CONTRE LES BÊTES : ENTRETIEN

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- La biodiversité et l'écologie sont des thèmes récurrents dans vos œuvres. Contre les bêtes est un cri de rage. 15 ans après, toujours en colère ?

À l’entrée du second millénaire, la question écologique était considérée comme secondaire ; voire même suspecte : est-ce qu’elle ne détournait pas des vrais problèmes ? Et l’effondrement de la biodiversité : plus absent encore.  Climat, à la rigueur...

C’est vrai, cela me mettait en rage ; et le texte porte la trace de cela, sarcastique, assez désespéré.

Je ne l’écrirais sans doute plus de cette façon aujourd’hui ; une prise de conscience s’est faite dans l’opinion, même si elle se traduit de façon souvent superficielle, et bien anthropocentrée, pour ne pas dire hypocrite : beaucoup d’humains ne veulent pas protéger leurs cousins, mais ce qu’on peut en tirer ! Pas protéger les abeilles, mais le miel ; pas les insectes volants, mais leur pouvoir pollinisateur ; pas les océans, mais nos « stocks », etc. La colère d'aujourd'hui s’est mutée en agacement devant une belle hypocrisie !

Ceci dit, ma colère est intacte face aux responsables, qui sont économiques et financiers, et transnationaux, donc bien loin de portée des citoyens, et même des états.

 

- Vous êtes homme de questions. Comment posez vous celle du rapport de l'homme aux autres espèces  ?

En le décentrant. Penser d’abord ceci : l’homme est une espèce parmi d’autres. Qui a pris le pouvoir absolu, c’est vrai. Mais c’est tout. Et c’est certainement provisoire.

Et qui le théorise : en commencant par imposer un langage qui, mine de rien, tout à la fois l’arrange, le disculpe et le pose au sommet. « Disparition », oh tiens, comme c’est étonnant ! Ou « extinction », comme si c’était un phénomène naturel. Et cette dévalorisation en douce du mot « bête », qui insinue « stupide ». Et finalement  le plus faux-cul : « environnement » ! Alors, l’homme, tu as des « environs »!? On ne peut pas mieux dire qu’il est au centre.

Les mots sont porteurs cachés d’idées, qu’il faut débusquer, et les idées porteurs masqués d’idéologie, osant dire : je suis le roi. Et je suis responsable de rien.

 

J’ai eu envie de traiter tout ça, ce regard décentré, ou recentré, le regard premier du candide, finalement, ou de l’enfant, sous une forme parfaitement, voire paranoïaquement, scientifique, une « encyclopédie » en 50 chapitres, Description de l’omme, parue chez Verticales. J’en ai tiré pas mal de spectacles, dont une installation-spectacle dans toute la Chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon en juillet 2004, et aussi De l’omme, La Tragédie de Pluto, La Revanche du dodo... Contre les bêtes est le prologue de cette trilogie.

- pourquoi ce « h » manquant d’ailleurs ?

La graphie « homme », ça va ça vient… Au treizième on écrivait souvent omme, et même ome, ou encore om (comme dans l’extrait du Bestiaire de Brunetto Latini que je cite dans Contre les bêtes. Ce sont les clercs et la nécessité d’écrire la langue qui ont relatinisé le francien, ajoutant au passage le « h », pour ressourcer le mot à son origine latine, homo. Qui désignait le genre humain et non le mâle (= vir, formant couple avec mulier), comme en grec anthrôpos, et sa différenciation en genre andros / gynè. Homme = mâle est venu ensuite, asseyant la domination masculine, très idéologiquement.

Tout cela est marqué plusieurs fois dans le texte, par ex « … nous avons été attaqué par un virus vir, à savoir omme-z-omme, mâle… », lequel se revendique plus loin « couilli-fère » tellement il ne supporte pas l’idée qu’on classe l’espèce humaine par un caractère féminin, les mamelles (>> mammi-fères) ! Contre les bêtes donne donc clairement à voir un homme (= mâle) longtemps aux manettes de l’espèce homme et qui l’entraîne au désastre.

 

- Vous aimez multiplier les points de vue. Quels personnages parlent dans Contre les bêtes ?

Éviter le donneur de leçons. Nous sommes tous dans le même bateau de responsabilité : ce n’est donc pas un dénonciateur, tenant le crachoir plein centre de la scène, mais au contraire un Terminator, allez finissons-en une bonne fois !, et tour à tour un prof distancié, qui adore compter les individus restants, un enfant qui s’étonne, un adulte en prise de conscience, un insecte, un philologue des mots, un mouton, etc.; et les personnages passent insensiblement de l’un à l’autre, changent de points de vue, jouant  cache-cache. Un peu comme nous le faisons incessamment nous-mêmes !

 

- Vous êtes l'auteur, parfois le metteur en scène et parfois l'auteur-en-scène. 3 casquettes en 1 ça vous plaît ?

Histoire de coller à la réalité : après tout l’écologie est l’affaire de tous, sinon rien. Un artiste ne donne parfois pas à voir une œuvre d’art mais ce qu’il pense. Et il me parait juste de l’assumer, avec mes moyens (limités). On peut dire que l’artiste colle ici au citoyen, tout simplement, pas plus pas moins, et il défend son truc. Une petite jonction entre l'artiste et le militant, ce serait déjà pas si mal.

 

- Et vous ne le défendez pas seulement dans les théâtres.

Le problème est tout terrain, j'ai donc envie de le défendre tous terrains, tous azimuths. Pas seulement dans les théâtres, et pas seulement en France. Maroc, Pérou, Allemagne, Mexique...

Et dans la vie, si possible.

 

- Et pour sauver le monde, une solution ?

Le monde est beau, il est si précieux. Est-ce qu'on a essayé un poème ?

AVIS, vite : SAUVER le MONDE 1

 

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