Six pieds sous ciel
tabs
Depuis plus de trente ans, Jacques Rebotier, poète, compositeur et metteur en scène, arpente les allées du langage, cueillant et recueillant, de carnets de route en partitions de parole, son flux, son grondement, son mystère. Il a ainsi développé des outils, en particulier une direction d’acteurs et une notation musicale spécifiques qui portent sur tous les aspects du phrasé, hauteur, intonation, vitesse, rythme, articulation, restituant les glissements du son et du sens, et en nourrit ses spectacles, avec humour et malice, redonnant langue à nos voix.
Rumeur du monde – rues, guerres, cafés, réseaux sociaux, nuages – contre rumination du fil de notre pensée, cerveau roue libre, en rêverie baladeuse : chaos extérieur versus chaos intérieur. Dans cette création, trois comédiennes nous accompagnent dans un voyage à travers des paysages mentaux. Lancées pleine vitesse dans la fusée de la pensée, elles nous invitent à saisir le monde par la langue pour trouver un sens, une direction, une sortie ?
création du 6 au 24 novembre 2024 à La Colline - Théâtre National
Tarif préférentiel avec le code CHOEUR
22€ (au lieu de 33€) & 10 € pour les - de 30 ans (au lieu de 15 €)
réserver en ligne ou par téléphone au 01 44 62 52 52
-
Note d’intention de l’auteur-metteur en scène
-
L’océan respire ses vagues. La langue générale vit par nous, le dos de nos langues, elle nous sur-vit et nous, nous vivons à travers elle. Sur le plateau du monde, des millions de petites langues s’agitent en tous sens, qui font l’immense langue vivante.
Jacques Rebotier, Le Désordre des langages 1, Les Solitaires Intempestifs, 1998
Depuis Réponse à la question précédente, en 1993 au Théâtre de l’Athénée, et jusqu’à Les Trois Parques m’attendent dans le parking, en 2012 au Théâtre Nanterre-Amandiers, je recours au chœur parlé à l’unisson, souvent à trois voix, au cœur de la musique des langues. Pure poésie du quotidien, et la magie de ses effets. Je m’étais promis de créer un spectacle entièrement fondé sur ce travail, qui est au centre de mon écriture. Et voici que ce moment arrive. Je ramasse, j’amasse, je glane (je pense ici à l’immense Agnès Varda) ces phrases, ou fragments de phrases, dans les rues, trains, restaus, télés, réseaux sociaux, parlements, guerres, forêts, extinctions, et les transcris précisément, en « partitions de parole ». On trouve nombre de ces notations musicales dans plusieurs de mes livres comme Le Moment que paru aux éditions CIPM en 1997, Litaniques et Le Dos de la langue publiés aux éditions Gallimard en 2000 et 2001, avec différents degrés de précision en matière de hauteur, vitesse, tempo, phrasé, notés en fonction des interprètes qui s’y colleront : comédiens-comédiens dotés d’un sens musical, comédiens pratiquant un instrument avec ou sans connaissance de la lecture d’une partition, musiciens-comédiens.
Pour le travail de fond de notre Six pieds sous ciel, j’ai constitué une équipe de comédiennes- musiciennes. 6 bras-6 yeux-6 mains-6 pieds, précises, fines, sensibles, capables, disons, d’un regard vers le ciel. J’ai donc réactivé ma « chasse aux phrases » et organisé leur collecte dans des « sacs à phrases », selon les principes du Théâtre des questions que notre compagnie voQue avait lancé en 1995 s’y sont mis aussi les comédiennes, Bernard Valléry, Marion Gastaldo et compagnie !
Ces phrases sélectionnées, montées et moulinées à l’aune de la musique, sortent comme d’une seule et multiple bouche, voix haute ou basse, interpellations ou ruminations, bribes de dialogues ou fil intérieur de la pensée. Ou bien, diffusées, elles descendent d’un ciel mystérieux, parfois incongru. Chaos du monde versus chaos de nos cerveaux. Elles sont la matière du spectacle. Six pieds sous ciel s’ouvre sur une bête à trois bouches, un de ces monstres de non-communication téléphonique qui nous parle en 1, 3, #, *. Les séquences nous font traverser rues, trains, voir plus haut. Elles sont coupées de voyages, vifs et aléatoires, quasi dansés, des actrices avec leurs valises à roulettes. Qui sont aussi des sièges, sur lesquelles elles reviennent s’asseoir, en différentes configurations plateau, pour une nouvelle séquence : réseaux sociaux, guerres, forêts... Ce mouvement alterné (lent/vif, assis/circulant, intérieur/extérieur) est la respiration du spectacle. Chœur des trottoirs, chœur des cafés, chœur du rézosocio, chœur du napalm, chœur des océans, des nuages, des derniers animaux.
Jacques Rebotier, août 2024
-
Dossier de presse