POLITIS : Guerre au père Noël

Jacques Rebotier est un révolté joueur. Comme ce poète est aussi musicien (écrire une symphonie ne lui fait pas peur), il a le sens du swing et du martèlement des mots. Homme de théâtre complet, il met lui-même en scène ses textes. Dans le dernier, De l’omme, il a oublié de jouer, laissant la scène à des acteurs, des marionnettes, un chien-robot et à l’imagerie du Père Noël, qu’il abomine, et qui lui sert de symbole repoussoir. l’homme qui a égaré son « h », c’est nous, bien sûr. Nous, qui avons été dessaisis de quelque chose. Dans ce monde du commerce triomphant et de la destruction inconscient, il nous manque une lettre et l’on risque de les perdre toutes !

 

 

Le Père Noël vient de la légende de saint Nicolas. Le spectacle part de la chanson enfantine où le brave serviteur de Dieu ressuscite les garnements qui avaient été mangés. Le texte est un peu modifié, le vers le plus connu devient : « Il était trois petits enfants qui kiffaient flâner à Auchan. » Mais où sommes-nous ? Chez un boucher qui joue au Père Noël et qui s’appelle aussi Super-Conso. Chez les (h)ommes qui paraissent bien étranges aux marionnettes qui les observent. Dans un monde sans cesse changeant où les personnages se masquent et se démasquent, où images et sons frappent et vrillent. Rebotier guerroie en proclamant : « Consumons la consommation. »
La distribution est dominée par Gilles Privat, l’ahuri, et Elise Caron, la malicieuse. Mais leurs partenaires, Anne Gouraud, Renaud Bertin, Sarah Fourage et Jean Delescluse, ne sont pas les moins actifs dans ce colloque sans queue ni tête mais d’une fantaisie très structurée. On rit beaucoup à suivre une telle flânerie à saute-mouton. L’esthétique, qui utilise de façon parodique les couleurs – rouge et blanc – du Père Noël a cependant du mal à trouver son deuxième degré. Il y a aussi, dans cette salle de Chaillot (la « petite salle », qui est très grande), une distance qui empêche Rebotier de confronter le public à ses habituelles structures enveloppantes. Mais la soirée roule avec sa fureur douce, ses colères nécessaires. Quand on sait que le texte de la pièce n’est que le chapitre XXVIII d’une « encyclopédie-théâtre » intitulée Description de l’omme, on ne doute pas que le combat poétique a de beaux jours devant lui.

 

 

Gilles Costaz
(7 décembre 2006)

 

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