L'HUMANITE : Trois garces qui ne gardent pas la langue dans leur poche

Avec Les trois Parques m’attendent dans le parking, Jacques Rebotier s’amuse à détricoter la langue, avec laquelle il file et tisse une pièce cocasse et burlesque. Ça décoiffe.

Si on connaît bien les Trois Grâces, on connaît moins les trois Parques, leurs lointaines cousines qui traînent du côté des enfers. Les Trois Parques, version Jacques Rebotier, traînent dans les parkings mal éclairés, papotent à tout bout de champ, soliloquent à trois voix, font rouler des valises aux roues fluorescentes totalement kitch made in China et du plus bel effet, chantent a cappella, ne se crêpent pas le chignon mais presque. Elles parlent une langue, des langues : celle des traders et des cours du blé, celle des politiques (le décryptage de quelques phrases de nos dirigeants est hilarant), celle des soaps télévisés, celle de l’amour par texto… Jacques Rebotier s’amuse, prend les phrases à rebrousse-poil, démonte la mécanique, mot à mot comme on dit note après note, joue du copier-coller, inventant sans cesse une langue fantaisiste et truculente au phrasé aussi hirsute que la coiffure de Lady Gaga. Donc ça décoiffe, ça dépote et on s’esclaffe devant de tels écarts de langage qui font mouche à chaque virgule, point-virgule, point d’exclamation.
Cette pièce est le deuxième volet – après Les ouvertures sont – de RES (pour rêve, événement, souvenir), trilogie dédiée au fil de la pensée. Dite ainsi, la chose a un côté un peu austère. Mais c’est mal connaître Jacques Rebotier qui s’amuse à détricoter la langue pour filer la métaphore iconoclaste. Sur le plateau, Caroline Espargilière, Nicole Genovese et Vimala Pons maîtrisent le texte et le jeu comme Fred Astair les claquettes. Elles sont synchros, accros aux mots, chantent, se tirent dessus façon Tontons flingueurs, jouent de l’archer et de la hache aussi naturellement que William Tell… Bref, voilà un moment de théâtre joyeux qui ne se prive pas d’envoyer des piques aux bons endroits, et ça fait du bien…

 

M.-J. S.

(23 janvier 2002)

 

 

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