Für Ludwig

installation postale & sonore

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Depuis près de 38 ans Jacques Rebotier envoie régulièrement des courriers à Beethoven, dans tous les pays du monde. Dans des enveloppes à en-tête chapardées dans des administrations, théâtres, hôtels, ministères… Ces bouteilles à la mer musicale sont restées jusqu’à présent sans réponse de l’intéressé, mais les enveloppes reviennent, marquées de cachets divers: parti sans laisser d’adresse, refusé, inconnu… Sept d’entre elles portent cette mention étrange mais indéniable : décédé (vestorben, deceduto).

Cette exposition est un hommage à ce postier inconnu et zélé.

 

 

 

« Cher Ludwig  » de Jacques Rebotier 

 

Depuis 1982, j’entretiens avec toi une correspondance suivie, malheureusement à sens unique. J’ai beau te clamer mon enthousiasme, poster d’un peu partout des lettres enflammées, dans des enveloppes hautement personnalisées, souvent confectionnées avec mes moyens du bord, ou au contraire pourvues de l’en-tête le plus officiel, chapardé dans les couloirs des ministères ; dûment affranchies au tarif en vigueur ou timbrées à la va-comme-je-te-pousse ; de chez moi, France, ou de tout autre pays du monde, Monde : inexorablement elles me reviennent.

 

Luigi, pourquoi restes-tu sourd à mes appels ?

 

Au fil des années ce dialogue fantôme a fini par virer en un dialogue avec la poste elle-même. Les retours à l’envoyeur, leurs annotations, cachets, tampons, me sont peu à peu apparus eux-mêmes des messages, et témoignages : de la continuité, ou discontinuité, d’un service public, du sens de l’investigation de son département recherche, de la sagacité d’un postier.

 

Hommage à ce guichetier anonyme assez au fait de la biographie du maître pour être capable de m’informer qu’il a « déménagé » ! Merci à ces autres, sentinelles ultimes d’un bien collectif rongé par l’accumulation capitale, qui poussent la conscience professionnelle et l’enquête assez loin pour pouvoir in fine tamponner « n’habite plus à l’adresse indiquée » ; ou bien que Luis B. est parti sans en laisser, quand ce n’est pas pour toujours : « décédé », « deceduto », « gestorben » !

 

Mais honte à l’employé ignare qui ose écrire de toi « unbekannt », inconnu » ! Qu’il soit licencié sur-le-champ ! Engagez des vacataires Bac + 9 payés Bac – 9, cela ira beaucoup mieux ! Pom-pom-pom-pom. Luigi, ou Lewis, wo ist du ?

 

Mais dove ? Donde ? Clovis, ubi es ?

 

Il est sûr que le dénommé van B. écrivait lui-même des lettres, ne serait-ce qu’à une certaine Élise. On sait depuis peu que la destinataire vient d’être identifiée : Elisabeth Roeckel. J’ai donc bon espoir.

 

Cher Louis, ne me contrains pas à user de la force, ou de plus grands moyens encore : placarder partout des wanted infâmants, mettre ta tête à vil prix sur la toile d’araignée, exhiber dans une exposition au pilori les 267 lettres que ton silence m’a retournées, lancer un avis théâtral de recherche sur les scènes de l’univers, y jeter un super-inspecteur pianiste, lui-même un peu timbré sur les bords, 88 bords dentelés noir et blanc et oreille droite dressée sur tes traces.

 

Ô mon bien-aimé lointain, si tu lis ce message, écris plutôt au plus tôt à Poste restante, ou ce qui en restera, écris-moi n’importe où, mais vite, ça arrivera, ça viendra, il arrivera bien un jour que tout arrive.

 

Vale.

 

Josip Rčplotz

 « Ludwig ? Inconnu à l’adresse indiqué »  par Hélène Pierrakos

 

Un entretien avec Jacques Rebotier extrait de la brochure du Festival Rainy days 2010

(version pdf par ici)

 

 

Quand a débuté cette entreprise des lettres adressées à Beethoven ?

 

 

Il y a vingt-cinq ans. Au début j’écrivais des lettres, ou à des inconnus dont le nom et l’adresse faisaient sens, non pas à Beethoven, comme un certain monsieur Dieu qui habitait rue de l’Enfer, ici-même, à « Ichy », 77890. Ou à monsieur et madame Lenvoyeur, avec l’espoir que l’enveloppe me revienne tamponnée d’un « retour à l’envoyeur »... ce qui s’est effectivement produit! Cette lettre « originelle » m’a paru la métaphore de l’acte lui-même d’écrire, de soi-même à soi-même, avec beaucoup de circonvolutions entre les deux. Peu à peu, j’ai adressé mes messages à des compositeurs, des collègues en quelque sorte, histoire de connaître leurs tuyaux, de leur demander conseil, leur confier des petits secrets. Un journal de bord, par-delà la mort.

 

 

Qu’écriviez-vous dans ces lettres ?

 

 

Top secret ! L’idée est que cela reste dans l’intime et habite, ou plutôt hante l’exposition, sous forme de point d’interrogation. Le contenu des lettres fera l’objet d’un oratorio épistolaire, la prochaine étape de travail, purement musicale, celle-là. Le sujet de l’installation, c’est le voyage, le cheminement, de l’expéditeur à ... l’expéditeur. J’ai corsé le propos en chipant un peu partout des enveloppes à en- tête – d’abord au Ministère de la Culture où j’ai jadis travaillé. Cette enveloppe-ci est de la Sacem, il y en a d’autres de théâtres où j’ai réalisé des spectacles, des hôtels de tous pays, celle-ci porte le sigle des impôts, celle-ci celui du Centre Pompidou. De partout dans le monde, envoyer partout dans le monde des lettres à Beethoven ; là où il aurait pu passer, là où il aurait dû passer. Pour chaque lettre, une adresse inventée, « Eroïca Straße », ou encore « Edis, Edis, Edis, Edis Straße, 1809 », allusion à la Cinquième Symphonie. Celle-ci, est « aux bons soins de Bettina Brentano », « rue Romain Rolland ». Celle-là est adressée au « Centre de Cryogénie universelle ».

 

Les timbres sont devenus peu à peu un autre lieu de perversion : timbres à l’effigie de Beethoven, de chanteurs en vogue, d’autres compositeurs. Comment Beethoven prendra-t-il le fait de recevoir cette enveloppe avec un timbre représentant Claude François ? J’ai aussi fabriqué de faux timbres, certains de mon propre visage, cela me reviendra-t-il ?

 

Beaucoup de hasard dans ces petites impostures postales, du hasard, et du jeu, au sens de pari. Le trajet lui-même est de l’ordre de l’inconnu, donc du rêvé.
Il y en a une centaine, aujourd’hui, et je continue encore.
Cela finit par former une histoire de la Poste, d’autant qu’en vingt-cinq ans, les choses ont changé ; avec la mise à mort des services publics, les lettres reviennent moins souvent, par exemple.

 

Les différentes mentions apposées par la Poste avant de me les retourner sont évidemment significatives : d’« adresse insuffisante » à « unbekannt »: inconnu, ou parti sans laisser d’adresse; plusieurs me sont revenues, d’Allemagne et de Suisse, avec la mention « gestorben » : «décédé». Merci au postier inconnu qui conclut « gestorben » au vu du nom de Ludwig van Beethoven !

 

 

C’est un travail parallèle à vos autres créations ?

 

 

D’abord, c’est une étape dans une trilogie : l’expo elle-même, le spectacle L’Oreille droite, pour un pianiste-acteur, et inspecteur en sons, et un oratorio à venir, écrit pour un ensemble instrumental et des acteurs-danseurs.
L’expo elle-même est le reflet d’un petit journal de bord, un cheminement au long cours, et à petits cailloux, qui accompagne l’écriture. Je prends des notes sur mon travail de compositeur, sur ce que je vois, je demande son avis à Beethoven sur tel ou tel point... Un dialogue avec un inconnu, qui est une figure tutélaire des compositeurs.

 

 

Et cela vous a fait avancer dans votre travail ?

 

 

Mais cela fait partie du travail ! C’est du postal art, si vous voulez. Un lieu de perversion entre les arts, au croisement entre art plastique, théâtre en action, écriture littéraire et musique. Un écho à cette idée, qui me poursuit, d’un concert qui n’en soit pas un, d’un work in progress. Quelque chose en résonance avec mes Théâtres impossibles (publiés aux Éditions Harpo &), ou ce Théâtre des questions, que j’ai mené pendant dix ans avec ma compagnie, et qui consistait à lutter contre le DMI (Déficit Mondial Interrogatif) en recueillant par tous les moyens et partout dans le monde, des questions. L’idée aussi d’une œuvre impossible, que je travaille dans un texte intitulé « Le Cours de la langue », un texte qui n’a jamais commencé et qui ne s’arrêtera jamais.

 

Imaginez par exemple un concert fait de tous les sons entendus en un endroit de la planète, et mis bout à bout, depuis 2000 ans jusqu’à aujourd’hui, en prenant tous les sons qui ont été émis à tel endroit de la planète.
Cette exposition est une installation – Klanginstallation – une installation plastique, sonore et postale. Car il y aura des sons, textes, et musiques, un dispositif de voyage intérieur, propice à un recueillement, en hommage au compositeur inconnu.

 

 

Y a-t-il eu une progression, justement, dans cet ensemble de lettres ou est-ce une simple accumulation dans le temps ?

 

 

Il y a accumulation qui, comme toutes les accumulations, génère une dramaturgie. Mais j’ai aussi évolué dans l’action d’envoyer des lettres sur toute cette période. Accumulation et aussi, comme un thème à variations. Thème, l’envoi d’une lettre. Variations, le lieu d’expédition et de réception, l’enveloppe, l’adresse, le timbre, les flammes et cachets de hasard, mentions diverses qui portent traces d’une circulation...

 

Il y a aussi comme un jeu secret avec le langage, mots qui passent en douce les frontières philatéliques et musicales, en changeant de sens. On parle en musique de « timbre », et d’«enveloppe» d’un son, non? Le mot « lettre » lui-même me fascine qui, en français, dit le caractère typographique (Buchstabe), puis la lettre adressée, puis les lettres – métonymie de toute la littérature, etc. Il y a déjà un processus de poupée russe dans ce simple mot de « lettre ». Mais l’idée première est au fond celle de l’« adresse » à un inconnu, une bouteille ou une lettre à la mer. C’est Jean Paul, l’écrivain allemand, qui disait qu’un livre n’est autre qu’une lettre envoyée à un ami inconnu, quelqu’un dont on suppose qu’il va aimer ce que l’on a fait. C’est pour moi le geste central de l’écriture, et sa métaphore profonde. Pourquoi écrit-on de la musique ? C’est mystérieux, cette action de jeter une « œuvre » au vent, avec
la supposition que quelqu’un pourra la recevoir, et en être touché. Tout cela fait journal de bord, pour moi.

 

 

Comment avez-vous conçu le parcours sonore à partir de ces lettres ?

 

 

À trois dimensions : musiques, textes et sons (avec Bernard Valléry, le designer sonore avec qui je travaille pour presque tous mes spectacles). Musique, il y a des bribes d’œuvres de Beethoven, détournées, et aussi des œuvres de mon crû, inspi- rées ou non de Beethoven. La tente qui accueille l’expo porte à l’entrée « An den fernen Geliebten», transposition masculine de An die ferne Geliebte, le cycle de lieder (dont on entend des lambeaux dans l’installation sonore) écrit « À la bien-aimée lointaine ». Mon exposition est pour sa part un hommage au compositeur inconnu ! Le titre en est Für Ludwig, qui fait écho au fameux Für Elise, le morceau le plus galvaudé de Beethoven. On a découvert il y a seulement un an qui était cette Elise, une cantatrice. J’ai prolongé cette pièce, qui est écrite à partir d’un simple trille d’un Für E. bis, un thème à variations pour piano autour d’un trille, décliné en tous tempos et phrasés. Ces pièces sont tirées de L’Oreille droite, un spectacle que j’ai écrit en 2008 pour le pianiste Alexandre Tharaud. On peut aussi entendre un genre de reconstitution de la séquence du chant des oiseaux dans la Sixième Symphonie, réalisée à partir des oiseaux que Beethoven cite sur sa partition, rossignol, coucou, caille des prés, replacés en hauteur et tempo idoine. Back to super past, un rewind de la « Pastorale » en quelque sorte!

 

Un deuxième espace sonore de l’exposition est fait de textes, des lambeaux de pensée sur Beethoven, sur le son des confidences. Enfant, j’apprenais le piano,
je collectionnais les timbres aussi, notamment des timbres de compositeurs et d’animaux, surtout des oiseaux. C’est une façon extraordinaire de voyager quand on est gosse : on fait des rangements, on classe, on domine les choses, on créée un petit monde. On compose. Et on voyage en mystère ; un timbre des Açores, on ne sait pas où cela peut bien être, on rêve... Les timbres ont aussi un langage à eux, des oblitérations, des flammes, des cachets, des dents, des bords dentelés ou non, des couleurs, les bistres, les sépias, c’est là un monde inconnu et immense, peuplé de mots magiques. Avec cette idée d’un monde clos, qui permet pourtant de voyager partout, petit tapis volant. Une île, ouverte et fermée sur le monde.

 

Le piano et les timbres sont mêlés dans mes souvenirs d’enfance et de solitude. C’est un objet étrange, le piano, pour un œil d’enfant. Drôle d’animal, à trois pattes, et ces longues rangées de dents, dont beaucoup sont cariées ! Se mêlaient aussi le désir de voyager et le désir que j’ai eu à l’adolescence, de devenir compositeur. La vie de Bach, Cöthen, Leipzig, Mühlhausen, je revivais en pensée ces voyages dans l’espace et dans le temps. C’est bien un voyage dans le temps d’aimer la musique classique. Cette envie de faire soi-même le voyage, on appelle cela plus tard « une carrière »... On fait le voyage à travers des œuvres, d’œuvre en œuvre, puis les œuvres forment un catalogue, d’opus comme on dit.

 

La troisième source sonore est faite de sons, de paysages sonores mentaux. Ces trois espaces s’interpénètrent, se rencontrent, formant un puzzle de pensées et de sons.

 

Je ne suis pas fou de Beethoven, ce n’est pas mon compositeur-référence. Beethoven est ici le prototype du compositeur ; c’est le premier à avoir conquis une certaine indépendance. Ce n’est plus un serviteur, mais un homme engagé, y compris politiquement. Et c’est aussi la référence absolue pour les pianistes. C’est lui qui a fait exploser le cadre du piano, utilisant tous les registres. Mon professeur de piano avait un buste de Beethoven sur son piano, qu’il m’a d’ailleurs légué.

 

 

Ce qui est émouvant lorsqu’on voit cet ensemble des lettres que vous avez adressées à Beethoven, c’est que d’une certaine manière, vous avez créé un lien avec lui, même si ce n’est pas avec l’homme réel...?

 

 

Mais quand on écrit de la musique, il y a toujours des ombres derrière vous, des gens, une histoire, des figures tutélaires. On écrit pour des auditeurs inconnus, mais aussi, consciemment ou non, en référence à des choses qu’on a entendues, qu’on a aimées, ou détestées, qu’on a oubliées mais qui sont encore présentes dans la tête. Il y a des ombres derrière nous, et devant, nous balançons d’autres ombres.

 

 

Vous ne les décachetez jamais, ces lettres ? Vous ne savez plus ce que vous avez écrit au long de ces vingt-cinq années de correspondance avec Beethoven ?

 

 

Non. Mais le fait qu’il y ait du secret dans l’enveloppe est important pour l’exposition. Cela se sent. Se pose nécessairement la question de savoir ce qu’il y a dans ces lettres. C’est un peu comme la musique, en fait. Parfois, les gens vous demandent ce que vous avez voulu dire avec telle ou telle œuvre. D’une certaine manière, rien. La musique a son sens en elle-même. Si j’avais voulu, ou plutôt pu le dire, eh bien je l’aurais dit autrement! Pas en musique. C’est pareil ici. Je tourne autour de l’idée d’un message qui n’ait pas de sens, ou même qui n’existe pas. Je reçois une révélation si j’écoute l’Adagio du Quintette de Schubert à deux violoncelles. J’apprends quelque chose qui m’est absolument essentiel. Mais quoi ? C’est une métaphore de la composition, le fait qu’il y ait un message dans chacune de ces enveloppes – mais lequel ?

 

 

[Question ajoutée à Virginie Rochetti]

 

 

Comment les premières images et formes vous sont-elles venues, à partir de ces lettres ?

 

 

Nous cherchions, Jacques et moi, à situer tout cela dans un lieu un peu fermé, confiné, à l’intérieur d’un espace. Et Jacques a souhaité une sorte de tente, où on pénètre, dans laquelle on puisse s’installer. La couleur est noire, mais entourée de transparent, les fenêtres. Il y a à la fois de la lumière et de l’obscurité – rendant compte peut-être du fait que, dans ces enveloppes, on ne sait pas ce qu’il y a, c’est comme une boîte noire assez mystérieuse. Le noir donne aussi un côté plus intime – des couleurs vives auraient été trop présentes. Mais il y aura des guirlandes de lumière au plafond, un ciel étoilé de leds. Le hall de la Philharmonie est grand, lumineux, froid et assez imposant. Nous souhaitions donc que le visiteur de l’ex- position puisse sortir de cet espace particulier du hall pour découvrir un lieu plus intime et chaleureux. Il y aura des tapis anciens, des fauteuils où l’on pourra se poser, écouter. Les enveloppes apparaîtront le long des parois transparentes, on pourra donc voir les deux côtés de l’enveloppe, selon que l’on se situe d’un côté ou de l’autre de la paroi de la tente. Entrer ou pas dans ce « Tombeau à Beethoven ».

 

 

Musicologue et critique musical, Hélène Pierrakos a collaboré avec Le Monde de la Musique, Opéra International, L’Avant-Scène Opéra, Ligne 8, et produit des émis- sions sur les radios : France Musique, France Culture, Radio Suisse Romande et Fréquence Protestante (où elle présente depuis trois ans l’émission La Malle à Musiques). Elle collabore régulièrement aux activités pédagogiques de la Cité de la musique. Réalisatrice de documentaires (Thierry Escaich au miroir de J.S. Bach, 2007), elle est aussi l’auteur d’un ouvrage sur Chopin.

 

Présentation en allemand

 

Seit fast 30 Jahren schickt Jacques Rebotier aus aller Herren Länder regelmäßig Post an Beethoven. Auf offiziellen Kopfbögen, gestiebitzt aus Ämtern, Theatern, Hotels, Ministerien etc. Diese musikalische Flaschenpost sind bis heute vom Adressaten unbeantwortet geblieben. Die Umschläge allerdings kommen zurück, mit diversen Stempel und Siegeln versehen : verzogen, ohne Adresse zu hinterlassen, zurück, unbenkannt verzogen… Sieben von ihnen tragen den seltsamen, nicht zu leugnenden Vermerk :  vestorben  (décédé, deceduto).

Die Ausstellung ist eine Hommage an den unbekannten, eifrigen Postbeamten.

 

Lieber Ludwig

Seit 1982 stehe ich mit Dir im ununterbrochenen Briefwechsel, der leider nur einseitiger Natur ist. Sosehr ich Dir auch meinen Enthusiasmus lauthals beteuere, glühende Briefe von fast überall schicke, in äußerst personalisierten Umschlägen, häufig mit bescheidenen Mitteln angefertigt, oder, im Gegenteil, versehen mit höchst offiziellen Kopfbögen, stibitzt in den Fluren der Ministerien; vorschriftsmäßig nach geltenden Tarifen oder nach Gutdünken frankiert; von Frankreich, wo ich zu Hause bin, verschickt oder aus jedem anderen Land der Welt, Welt : unerbittlich kommen sie zurück. Luigi, warum bleibst Du meinen Apellen gegenüber taub? Im Laufe der Jahre ist aus diesem Scheindialog ein Dialog mit der Post selbst geworden. Die Rücksendungen an den Absender, die Anmerkungen, Siegel und Stempel erschienen mir nach und nach als die eigentlichen Botschaften, als Zeugnisse: Zeugnisse der Kontinuität, oder der Unterbrechung, eines öffentlichen Dienstes, des Fahndungsdrang seiner Ermittlungsabteilung, des Scharfsinns eines Postbeamten. Hommage an den anonymen Schalterbeamten, der ausreichend über die Biographie des Meisters informiert ist, um mir mitteilen zu können, dass dieser „umgezogen“ ist! Dank an die anderen, die letzten Wachposten des durch Kapitalanhäufung zerfressenen Gemeinguts, die das professionelle Bewusstsein als auch die Suche weit genug treiben, um letztendlich stempeln zu können: « wohnt nicht mehr an angegebener Adresse » oder auch, dass Luis B. ohne eine neue anzugeben, verzogen ist, wenn es nicht gar endgültig heißt: « décédé », « deceduto », « gestorben » ! Aber Schande dem unkultivierten Angestellten der sich traut von Dir zu schreiben « unbekannt », inconnu » ! Dass er auf der Stelle gefeuert werde! Stellen sie freie Mitarbeiter mit Diplom und Doktortitel ein, die wie Hauptschulabgänger bezahlt werden, und es wird viel besser laufen! Pom-pom-pom-pom. Luigi, oder Lewis, wo bist du ? Mais dove ? Donde ? Clovis, ubi es ? Man kann sicher davon ausgehen, dass der sogenannte van B. selbst Briefe schrieb, wenn auch nur an eine gewisse Elise. Seit kurzem weiß man, dass die Empfängerin identifiziert wurde: Elisabeth Roeckel. Also bin ich guter Hoffnung. Lieber Louis, zwing mich nicht, Gewalt anzuwenden oder noch schlimmere Methoden: z.B. überall entehrende wanted zu plakatieren, einen Spottpreis auf deinen Kopf im World Wide Web auszusetzen, die 267 Briefe, die dein Schweigen mir zurückgeschickt hat, in einer Ausstellung an den Pranger zu bringen, eine theatralische Suchanzeige auf den Bühnen des Universums aufzugeben. Oh mein entfernter Geliebter, wenn Du diese Nachricht liest, schreibe lieber früher als später an postlagernd, schreib mir egal wo, aber schnell, es wird ankommen, es wird sicher ein Tag kommen, an dem alles (an-)kommt. Vale.

Josip Rčplotz

 

 

Création festival Rainy days / Philharmonie du Luxembourg

distribution

Conception, texte, musique
Jacques Rebotier
Scénographie
Virginie Rochetti
Design sonore
Bernard Valléry
Textes et musique joués et dits par
Alexandre Tharaud

production

Production

Festival Rainy days / Philharmonie du Luxembourg

Coproduction

Festival Amadeus / Grange de la Touvière (Suisse)

tournée

11 Décembre 2020 - 18 Décembre 2020
ANNULÉ / à l'Opéra de Rouen Normandie