RUEDUTHEATRE : Les ouvertures sont (Paris)

LA PUISSANCE DES MOTS

 

Deux voix, deux visages, deux présences, pour une performance poétique commune. La Maison de la poésie, bien installée dans son passage fleuri du quartier du marais, accueille dans son intime et chaleureuse salle un tandem époustouflant.

 

Quoi de mieux comme lieu, pour accueillir les mots harmoniques et rythmiques du poète musicien Jaques Rebotier ? La parole comme musique est son propos. La parole est une ouverture de l’esprit, une mélodie, conçu grâce à un mécanisme ventilo-thermique et musculaire buccale. Certes « l’être humain parle en expirant », mais le spectacle ne se limite pas à cela. Si le support du spectacle est la parole, le réel thème est plus général : Les ouvertures. Les ouvertures du monde, des frontières, du corps.

 

La mise en scène simple n’en demeure pas moins subtile et légère. Le travail de régie sur l’accompagnement musical et l’accompagnement visuel sortent de l'ordinaire. Rien dans cette pièce de mots n’est là gratuitement. La vidéo par exemple n’est pas utilisée en décoration, chaque image fait sens et illustre subtilement chaque mot. La lumière cadre et encadre les deux visages. De même que le travail sur le corps est très élaboré : entre jeu d’ombres et mise en espace le corps disparaît, et réparait magiquement. Ici le corps comme les mots constitute une ouverture, il s’ouvre sur le public.

 

Les deux bustes d’Eric Ferey et d’ Océane Mozas jonchés derrière une fenêtre ressemblent à deux marionnettes qui se donnent au public par la force des mots. Leurs voix sourdes et lourdes enveloppent le public installé dans l’obscurité de la salle. Les deux comédiens se complètent à merveille, La beauté d’Océane Mozas à l’humour d’ Eric Frey. Leurs voix magnifient la musicalité, et ils donnent une vraie vie au texte, le rythme ondule et jamais le spectateur ne décroche. Le spectacle met en scène certains extraits du livre Le Dos de la langue, Jacques Rebotier y prend parti politiquement. « Un vélo n'a que des ouvertures et pas de fermetures. A vélo, on peut presque rouler sur une frontière, sans appartenir à aucun pays ». Ce texte si bien servi, dénonce avec humour l’inhumain des frontières. Le propos est d’actualité, et les murs qui continuent à s’élever partout dans le monde enferment les Hommes. Et pourquoi pas, certain pourrons y voir des allusions politiques françaises très récentes…

 

Laure DUBOIS

(15 mai 2007)