L'ALSACE : Un sourient contemporain

Jacques Rebotier livre avec humour et brio ses « Quelques nouvelles du facteur » : une nuit des mots vivants entre quotidien et rêve éveillé.

 

Une fois de plus, Musica prouve qu’un festival dédiés aux musiques contemporaines sait aussi faire sourire, voire rire, en proposant des spectacles originaux et décalés. Les Quelques nouvelles du facteur, présentées mercredi et jeudi soir à Pôle Sud (Strasbourg-Meinau), en ont témoigné avec éclat.
Écrivain, poète, photographe (actuellement exposé à Beaubourg, danseur, mais surtout auteur de plusieurs pièces de théâtre (on n’ose plus dire auteur dramatique), dont deux (et demi) pour le Théâtre national de Strasbourg (Vengeance tardive au printemps dernier), et enfin compositeur, Jacques Rebotier touche à tout avec malice et intelligence. Et aime les ruptures. Deux ans après un Requiem, également donné à Musica, qui travaillait la longue durée et le sens de l’éternité, il revient aujourd’hui aux « petites formes » avec ces Quelques nouvelles du facteur.

 

CONTRE-EMPLOI
Créé la semaine précédente à Brest, où son auteur est actuellement en résidence, ce « spectacle musical » enchaine une suite de brèves pour instrumentistes-récitants et des scènes entre onirisme et vie quotidienne. La musique, pratiquée sur une palette d’instruments aussi large que peu académique, vient sans cesse en contre-point de l’action et surtout de la parole, à laquelle elle se mêle souvent, littéralement jusqu’à la fusion (lorsque le récitant finit sa phrase en emboucha,nt un quelconque instrument à vent). Quelques nouvelles du facteur est un formidable travail sur la langue et sur la mise en scène.

Jacques Rebotier lui-même intervient plusieurs fois sur scène, lisant ses textes avec une énergie et une spontanéité jubilatoires. On sourit beaucoup, on rit même souvent. A ses côtés, les autres « acteurs » sont trois instrumentistes et une danseuse amenés à jouer la comédie, un comédien amené à jouer d’un instrument…
Une manière de faire « se croiser les territoires des uns et des autres, afin d’amener les choses différentes. Les contraintes du contre-emploi génèrent une forme de neutralité. »
Jacques Rebotier a voulu conserver l’aspect de travail en cours (un spectacle doit en naître l’an prochain) par une mise en scène embryonnaire, volontairement brute.

Travail sur le désordre, les ruptures de tons et de temps, les lapsus, les failles et grains de sables : c’est ainsi que Jacques Rebotier définit son spectacle. Pour lui, ces dérapages de la vie quotidienne sont autant d’occasions de « gros plans sur des détails, de zooms » et d’émergence, d’un discours intérieur, permanent et incontrôlable, qui vit en chacun denous.

 

Chaque saynette, même la plus brève, fait entrevoir une histoire personnelle, dont la reconstitution est laissée à l’imagination du spectateur.

 

Olivier Brégeard
(29 sept 1996)
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