Le Petit Bulletin

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Glissement de terrain

S’ouvrir à l’univers de Jacques Rebotier, c’est être suspendu dans le vide sans avoir peur, c’est boire un Gevrey Chambertin dans un gobelet en plastique, c’est admettre que le non sens en a un et que tout peut voler en éclat dans une bonne rigolade très sérieuse. En trois soirs et deux spectacles, le Théâtre de la Renaissance relève le défi, d'abord avec Contre les bêtes, bestiaire hallucinant à l'humour vivifiant, puis avec le Cabaret de la dernière chance,  sorte de méli mélo musicalo/poético/barge. Pour comprendre un peu mieux l’univers de ce touche-à-tout génial, extrait du premier : «Les espèces  hautres disparaissent, s’éteignent. L’omme, lui, s’illumine. L’omme ne cesse de s’éclairer, en continu. L’omme illumine le monde, l’omme est illustre. Lumen, lux. Et, fiat reverbum ! J’ai créé le réverbère. Amen».

Avec Rebotier, ce n’est pas seulement un ton qui est donné, c’est une gifle textuelle bienfaitrice, c’est toute une langue extraterrestre qui se propage à une vitesse inhabituelle, une langue remarquablement bien tricotée, une maille à l’endroit et plein d’autres à l’envers. Avec Rebotier, le texte claque en urgence ou reste en suspens au bout d’un fil absurde. Il est un prétexte à nous emmener dans une folle musicalité, au creux d’un contrepoint extravagant, la porte vers un univers qui bouscule les petites et grandes valeurs grammaticales et rend tous les verbiages obsolètes.

Compositeur, Rebotier écrit une musique savante, drôle et proche de nous ; poète, il crée de petits objets littéraires décalés et fascinants ; metteur en scène, il invente des spectacles drôles et dérangeants. Immanquable.

Carton jaune à Jacques Rebotier
Au Théâtre de la Renaissance du jeudi 15 au samedi 17 janvier

Pascal Clavel

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